La culture des données

La clé qui peut vous manquer pour triompher à l’ère de la Data

9 min readDec 11, 2020

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Personne ne peut nier le fait que la data transforme presque toutes les industries d’une manière ou d’une autre. Les données ne cessent de croître et deviennent la ressource la plus abondante, car inépuisable, propulsant les entreprises qui les utilisent vers de nouveaux sommets.

De fait, toutes les entreprises génèrent des données d’une manière ou d’une autre, mais nombre d’entre elles savent à peine ce que ces données signifient et comment les exploiter. Ce n’est pas que les entreprises ne croient pas que les data peuvent les aider, mais elles ne savent tout simplement pas comment les utiliser à leur avantage. Or toute entreprise qui veut continuer à être compétitive doit investir et s’investir pour devenir efficiente dans le management des données afin d’améliorer ses activités et services. Seules les entreprises qui savent comment traiter correctement les données et les manipuler en faveur de leurs objectifs peuvent créer une réelle valeur ajoutée à partir de ce patrimoine informationnel. Or, si les entreprises veulent être « data driven », elles doivent générer et alimenter une culture des données. Cette culture ne se crée pas ex-nihilo, elle peut prendre du temps à émerger et ne se décrète pas par simple décision d’un comité de direction.

Quel est le rôle de la data ?

Selon le DMBOK, (le guide incontournable sur les pratiques du data management) qualifie la data comme un moyen de “représenter la réalité”, la réalité de ce qui se passe dans une entreprise. Elles nous informent sur nos activités, nous donnent des informations précieuses dont nous avons besoin. Nous pouvons utiliser ces connaissances pour améliorer nos façons de travailler, ou bien décider que le changement est trop difficile et se contenter des processus opérationnels habituels ; or cette deuxième attitude conduira très certainement dans une impasse mortifère pour l’entreprise qui opterait pour le statu quo. De fait, les données peuvent fournir des informations clés qui sont utiles pour comprendre ce qui se passe actuellement dans l’entreprise et, en les utilisant efficacement, les entreprises peuvent obtenir des avantages concurrentiels et découvrir des opportunités qui resteraient autrement cachées. L’analyse des données peut ainsi aider à voir ce qui serait normalement indiscernable.

Considérons l’exemple de la société californienne The REALREAL tel qu’il est présenté dans le livre « Winning with Data » de Tomasz Tunguz et Frank Bien : cette société qui vend des articles de luxe d’occasion comme des bijoux, des montres, des vêtements, etc., utilise ses données en temps réel pour comprendre ce qui se passe au sein de ses services et dans son fonctionnement. Chaque jour, tous les membres de la direction utilisent et manipulent les données pour analyser et comprendre les revenus quotidiens de l’entreprise. Si l’entreprise est en retard sur ses objectifs, l’équipe de direction en informe l’équipe de marketing qui crée une newsletter en fin de journée qui est envoyé par email à un segment de clientèle particulier ou bien communiqué sur leur application mobile promouvant un type de produit particulier.

Qu’est-ce qu’une culture des données ?

Tout d’abord, la culture des données ne consiste pas à disposer d’une technologie de pointe dans l’entreprise. La culture Data remplace le sentiment souvent instinctif sur lequel les décisions étaient fondées dans les entreprises par des décisions reposant sur l’analyse des données.

Le concept fondamental d’une culture fondée sur les données est de traiter les data comme la principale ressource pour prendre des décisions dans chaque département de l’organisation. L’objectif n’est pas de noyer les parties-prenantes sous des montagnes de chiffres, mais de donner à tous les employés les moyens d’utiliser les données en présence pour améliorer leur travail quotidien, d’utiliser les données pour prendre de meilleures décisions et, ainsi, de prendre des initiatives plus fructueuses.

Le but ultime est de construire un cadre qui aide tous les membres de l’organisation à collaborer pour placer les données au centre de la prise de décision, depuis le Data Owner jusqu’au Data Scientist, en passant par le Business Analyst : cette dynamique devant se répercuter par la suite sur tous les employés de l’entreprise.

Pourquoi une culture axée sur les données devrait être primordiale ?

La plupart des entreprises tirent déjà des enseignements de leurs données. Toutefois, une culture axée sur les données ne doit pas être interprétée comme un suivi aveugle des chiffres. Elle doit encourager le développement des compétences en matière d’interprétation des données et de la pensée critique, ce qui permet aux entreprises non seulement de fonder leurs décisions sur des données fiables, mais aussi de savoir quand il vaut mieux s’en abstenir : à titre d’exemple, lorsque les données en présence sont d’une faible qualité, pour quelque raison que ce soit, il n’est pas raisonnable de prendre des décisions sur la base de ces assets non-fiables. Cela semble évident mais il est utile de répéter que l’utilisation de données de mauvaise qualité peuvent être très néfastes pour l’entreprise : « Garbage in, Garbage out » !

Une culture axée sur les données permet deux choses

1) Encourager la démocratisation des données

Une culture axée sur les données permet d’éliminer les barrières entravant l’accès aux données. De fait, dans de nombreuses organisations, la DSI à la façon d’un “propriétaire” des données, comme si les données appartenaient à un service ou à une équipe en particulier, alors que les autres utilisateurs veulent consulter et utiliser ces données. Pour la défense des services de la DSI il faut noter que, parfois, cette responsabilité retombe sur le département informatique parce que personne d’autre ne veut assurer cette charge : dans ce cas de figure, la DSI n’a pas d’autre choix que d’agir en tant que propriétaire des données.

Si nous reprenons l’exemple de The RealReal, leurs statistiques de ventes quotidiennes ne sont pas la propriété de l’équipe commerciale, mais sont partagées avec les directeurs et l’équipe marketing, entre autres. Ce partage des connaissances permet à l’entreprise de prendre de meilleures décisions au quotidien et de ne pas perdre régulièrement un temps considérable à chercher les bonnes données.

Ainsi, une culture axée sur les données aide à démocratiser les données à un plus grand nombre d’utilisateurs pour la prise de décision.

2) Améliorer, concevoir et lancer de nouveaux produits

Au lieu de développer un produit sans aucune connaissance des besoins des clients, l’utilisation intelligente des données est un facteur clé pour la réussite du développement et de la vente d’un produit. De plus, grâce à une gestion intelligente des données à disposition, les produits existants peuvent être évalués et personnalisés en fonction des besoins des clients. Pour ces raisons, une culture axée sur les données offre aux différentes personnes chargées du développement des produits un aperçu du passé et de l’avenir de chaque produit.

Pour illustrer ce propos, considérons l’exemple de Netflix, une entreprise qui améliore la qualité de ses services en utilisant judicieusement les données. Cette compagnie collecte d’énormes quantités de données, sur ses utilisateurs, sur leur comportement, et ces données permettent à Netflix de créer une meilleure expérience pour ses utilisateurs. Selon le Netflix Tech Blog, le système de recommandation de Netflix influence environ 75 % de l’activité des utilisateurs. En d’autres termes, les trois quarts de toutes les vidéos regardées sur Netflix sont basées sur les suggestions de Netflix.

Cette approche centrée sur les données a permis à Netflix de devenir l’un des meilleurs fournisseurs de contenu médiatique en ligne.

La pertinence d’une culture axée sur les données est évidente de nos jours. Toutefois, malgré (ou du fait) les nombreux avantages qu’une culture Data peut offrir, il n’est pas si facile de devenir une entreprise axée sur les données. Cela est illustré par le fait que, même parmi les entreprises qui ont mis en place une gestion des données adéquate, les informations obtenues de cette manière ne sont utilisées que dans une faible mesure à des fins décisionnelles.

Cela signifie que les entreprises collectent et traitent beaucoup de données, mais qu’elles n’y accordent pas suffisamment de confiance pour prendre des décisions en connaissance de cause. Elles sont encore loin de devenir de véritables entreprises data driven. La culture data ne fait donc pas tout, elle est soumise elle aussi à certaines contingences.

Mais qu’est-ce qui empêche les entreprises d’avoir une culture data qui fonctionne bien ?

Examinons trois raisons plausibles à cela :

  • Un problème fréquent est que les données peuvent ne pas être centralisées. En conséquence, elles peuvent être inaccessibles aux employés qui en ont besoin pour prendre des décisions. Une entreprise Data-Driven élimine les silos de données, en démocratisant l’accès aux données et en consolidant toutes les données afin que chaque membre de l’entreprise sache où les trouver. Un catalogue de données peut être d’une grande utilité pour avoir une approche centralisée des données. En même temps, la décentralisation permet une plus grande autonomie pour les métiers, et une prise de décision qui reflète plus précisément les attentes du “terrain”.
  • Les utilisateurs business considèrent les données comme le patrimoine du département informatique et des data scientists/analystes. Et le département informatique ne veut pas céder aussi facilement son contrôle sur les données. Mais une culture axée sur les données commence à la racine de l’entreprise et doit impliquer chaque membre de l’organisation en leur donnant accès au patrimoine Data.

Les données ne sont parfois pas dans le bon format ou du niveau de qualité requis pour le type d’analyse effectué. Or les analyses avec données dépendent fortement de la qualité des données, comme évoqué plus haut avec le phénomène du « Garbage in, garbage out ». De fait, une mauvaise qualité des données a un impact négatif sur la fiabilité des services censés reposer sur ce patrimoine informationnel, ce qui peut finalement détruire la valeur commerciale d’une entreprise. Cela ne sera jamais assez répété mais la mauvaise qualité des données peut avoir de multiples effets négatifs sur une entreprise. IBM a estimé que, rien qu’aux États-Unis, les entreprises perdent 3,1 trillions de dollars par an en raison de la mauvaise qualité des données. Une autre étude de Gartner suggère que ce coût risque d’augmenter du fait de la complexité croissante de la structure de données. Une autre conséquence négative de la mauvaise qualité des données est qu’elle a un impact sur la productivité (comme le suggère le Harvard Business Review). La mauvaise qualité des données entraîne une mauvaise prise de décision et des erreurs. Plus il y a d’erreurs, plus les employés passent de temps à les corriger et moins ils font confiance aux données dont ils disposent. Si personne ne sait quelles données sont fiables, ils ne pourront pas optimiser leur travail et être productifs.

Pour conclure

Il faut garder à l’esprit que la culture des données relève de la responsabilité de chacun dans une organisation, elle constitue un bien fondamental pour chaque entreprise, elle n’est pas et ne doit pas être considérée comme un sous-produit des processus métier. La culture Data n’est pas un pis-aller, un élément « nice-to-have », elle est bien primordiale pour toute organisation, quelle qu’elle soit.

Mais si la transition vers une culture des données est un défi qui exige un changement radical pour les organisations traditionnelles, les premiers pas vers cette fin peuvent être simples et rapides à mettre en œuvre. Même si votre organisation n’est pas encore prête à lancer un programme complet de culture des données, elle peut commencer à en poser les bases en adoptant la « stratégie des petits pas ». Pour cela, commencez par exemple par identifier les employés qui peuvent servir d’ambassadeurs de la culture Data au sein de votre organisation, cela constituera peut-être un petit pas pour vous mais cela représentera un bond de géant pour votre programme d’acculturation.

Annan Rashid
Consultant Data
Pramana

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