Directions Marketing et Data Offices, parlez-vous !

Pramana
8 min readFeb 2, 2023

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Guide de traduction des enjeux des uns dans le langage des autres

A cette époque de l’année où feuilles de route et budgets se valident, les Data Offices ne sont pas en reste. Ils peaufinent leur “Stratégie Data” en mettant en avant acculturation, catalogage de données, gestion de la qualité des données, etc. Or, régulièrement, quelque chose cloche avec ces “Stratégies Data”.

Loin de moi l’idée de remettre en cause le bien-fondé de formaliser une feuille de route sur plusieurs mois. Non, ce qui me dérange c’est lorsqu’elle est déconnectée des « Stratégies Métier », qu’il s’agisse du cœur de métier de l’entreprise, mais aussi des fonctions support : Finance, RH, Logistique.

Hélas, je connais déjà la cause de cette situation : les Data Offices n’ont pas la responsabilité immédiate des données, ni leur connaissance exhaustive, et pourtant on leur demande d’en améliorer la qualité, leur utilisation et leur documentation. Or, sans adresser spécifiquement ces sujets avec un prisme métier, les Data Offices ne parviennent pas à justifier la valeur créée, ils n’ont donc après ça pas d’histoires à raconter pour vendre leurs actions et, de ce fait, n’obtiennent pas de sponsorship de la part des métiers.

C’est pourquoi, en prenant l’exemple de quatre enjeux d’une Direction Marketing, présentés sous l’angle Data Management, nous allons voir comment un Data Office peut générer de la valeur pour une Direction Marketing et ainsi obtenir plus facilement soutien, budget et engagement.

Créer une « Client Data Platform »

L’enjeu fil rouge d’une Direction Marketing est de connaître les clients et leurs besoins. Pour son plus grand bonheur (et parfois son plus grand malheur), l’explosion des points de contact avec le client (via téléphone, ordinateur, magasin, réseaux sociaux) augmente drastiquement la quantité de données récoltées mais entrave également l’obtention d’une vue à 360°du client directement exploitable.

C’est pourquoi le point de départ d’une stratégie omnicanale consiste en la construction d’une Client Data Platform (CDP), dont l’objectif est de rassembler toute la connaissance client et les interactions qu’un client a avec l’entreprise et d’en exploiter le contenu (ex : emailing basé sur un ciblage dynamique ; personnalisation de l’expérience en magasin à partir des interactions en ligne).

Après plusieurs projets autour de référentiels client (définition large d’une CDP), nous avons constaté sur le terrain que ces projets font face aux écueils suivants :

  • Des flux avec les systèmes sources mal synchronisés, générant des incohérences entre les systèmes
  • Une absence initiale de documentation du cycle de vie de la donnée client, résultant de l’oubli de sources de données
  • Des choix d’identifiants uniques clients hasardeux (ex : adresse email du client)
  • Des règles de rapprochement de profils clients trop ou pas assez strictes

Or, du point de vue d’un Data Office et des experts de la gestion des données, ces problématiques initiales de CDP sont similaires à celles de n’importe quel projet de gestion des données de référence (Master Data Management). Or, c’est le rôle du Data Office que d’apporter expertise et bonnes pratiques à ces projets en termes d’analyse d’impact sur l’organisation, d’évolution des processus de gestion des données et des règles techniques à mettre en œuvre.

A noter que c’est également au cours de ces projets qu’il est pertinent d’adresser la problématique de la qualité des données, afin de ne pas polluer la CDP nouvellement mise en place. Dans le contexte d’une Direction Marketing, les données collectées étant celles de particuliers, il ne faut pas forcément viser le 100% de complétude.

Personnaliser l’expérience client

Les Directions Marketing regorgent d’experts de l’analyse des données. Or le propre des analystes est de fouiller dans les données pour sortir des observations pertinentes. De plus, ces analystes ne sont pas en bout de chaine : les résultats qu’ils produisent sont souvent réutilisés à des fins opérationnelles par la suite. Par exemple, pour déclencher des actions marketing fondées sur la segmentation client, pour adapter les produits proposés sur un site e-commerce.

Pour ces raisons, les Directions Marketing sont sensibles à la manipulation des données dans des environnements de type “bac à sable”. Dans le même temps, ils doivent pouvoir réintégrer ces données dans les systèmes opérationnels.

De plus, la connaissance que l’on construit à l’échelle du client et l’intelligence cachée derrière les microdécisions automatisées qu’on peut générer, requièrent des algorithmes fiables auxquels les responsables marketing peuvent faire confiance.

A partir de ces besoins, on peut tirer plusieurs enjeux liés à la gestion des données sur lesquels le Data Office a les moyens d’aider et d’accompagner une direction Marketing :

  • Le côté ouvert d’un environnement “bac à sable” accentue l’impératif d’en gérer les accès. Qu’on limite le périmètre géographique ou le nombre de données personnelles accessibles ou la durée de l’accès, il est critique de poser des garde-fous pour limiter les risques de fuites de données
  • L’analyse critique des données réellement utilisées doit amener à prioriser les efforts de l’amélioration de la qualité des données. A titre d’exemple, une adresse postale n’a pas besoin d’être complète si l’organisation ne réalise pas de campagne marketing papier. Pire il peut même être contre-productif de rendre obligatoire l’ensemble des champs d’une adresse
  • La documentation claire et compréhensible du fonctionnement des algorithmes est nécessaire pour assurer la confiance dans les résultats de ces derniers

Respecter les réglementations sur les données à caractère personnel

Allant de pair avec cette augmentation des données collectées sur les clients et de leur accessibilité dans l’organisation, l’attention portée aux réglementations sur le respect de la vie privée (ex: RGPD) doit s’élever, notamment dans les directions Marketing. En dépit d’un sujet déjà vieux de 6 ans en ce qui concerne les données personnelles des citoyens de l’Union Européenne, les organisations ont des efforts constants à fournir pour assurer cette conformité.

Si les efforts sont le plus souvent portés par les directions juridiques, la direction Marketing, en tant que principale productrice et consommatrice de données, répand les données personnelles à de nombreux endroits du système d’information.

Le Data Office peut contribuer à cette mise en conformité. Mieux encore, il aura intérêt à s’y joindre afin de bénéficier de la disponibilité des sachants du marketing pour identifier et décrire les données personnelles et leurs cycles de vie à travers les systèmes. Mais également à participer à la définition de rôles et processus pour garantir la suppression/modification des données demandée par le client. C’est donc un véritable travail de gouvernance que ces régulations invitent à réaliser.

Faciliter la prise de décision

Un dernier enjeu, lié à la profusion d’indicateurs à disposition d’une Direction Marketing, et qui l’amène à ne pas pouvoir faire l’économie d’une organisation dédiée à la gestion des connaissances des indicateurs.

On voit que, face aux frictions courantes d’une Direction Marketing dans laquelle un même indicateur va avoir des valeurs différentes selon le tableau de bord consulté, ou encore que des questionnements surgissent quant à l’origine d’un calcul, le Data Office peut et doit agir pour améliorer la confiance envers les données.

L’un des chevaux de bataille d’un Data Office est la complétion d’un Data Catalog. Ces outils, déjà largement présentés sur ce blog, présentent l’intérêt d’assembler de façon plus ou moins automatisée des connaissances métier et techniques sur des données.
Pour éviter que cet outil ne soit perçu comme le « Tonneau des Danaïdes », un Data Office doit l’orienter sur des cas d’usage de documentation précis et utiles au Métier, et ainsi montrer la valeur de cet outil.
Dans le cas d’une direction Marketing, il s’agira par exemple de sélectionner certains indicateurs clés et d’effectuer le travail de:

  • De formalisation d’une définition claire et non ambigüe
  • De nomination d’un sachant métier joignable en cas de question sur le sens de l’indicateur
  • De lignage, c’est-à-dire de documentation des transformations techniques qui ont permis le calcul de l’indicateur sur la base des données des différents systèmes.

Sur l’ensemble de ces activités, le Data Office est à une juste place pour à la fois répondre à l’enjeu métier d’une direction Marketing de donner confiance dans les indicateurs affichés dans un tableau de bord, et pour répondre à l’enjeu de l’ensemble de l’organisation de disposer d’une solution fiable pour documenter le contenu de son système d’information.

En sus, ce genre d’exercice est un bon moyen pour un Data Office d’identifier et embarquer dans la Gouvernance des données des Data Stewards au sein de la direction Marketing. Ce rôle consacré dans la littérature du Data Management, et reconnu pour sa capacité à faire le lien entre objectifs métiers, connaissances fonctionnelles des données et capacité à discuter avec des interlocuteurs techniques.

Une collaboration bénéfique aux deux fonctions

En tant que prescripteur de bonnes pratiques en matière de gestion des données, le Data Office se doit d’accompagner les directions métier pour qu’elles améliorent leurs manières de faire. Selon qu’une direction est en avance sur une thématique par rapport aux autres, le Data Office doit la soutenir dans son enjeu. L’exercice est à voir comme l’occasion d’éprouver les politiques définies, de les enrichir par ces remontées du terrain et d’inspirer, via des actions de communication, les autres directions et les inciter à en faire de même.

De l’autre côté, les Directions Marketing, toutes sachantes soient-elles concernant la meilleure façon d’exploiter les données à leur disposition pour proposer le bon produit au bon client au bon moment, elles peuvent tirer parti de bonnes pratiques issues d’autres domaines que le marketing. C’est ce que vise le Data Office en tant que spécialiste de la gestion et de la gouvernance des données. Du point de vue de l’organisation, la Direction Marketing doit également faire preuve d’esprit d’équipe, voire de culture corporate, afin de pouvoir bénéficier de données de bonne qualité fournies par d’autres directions.

Vincent Thorette
Consultant Data
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